Le Storhvit

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  • Lore

  • 15 janvier 2025

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393 AC

L'avant-garde des Corps expéditionnaires a été déployée au sein de la région baptisée "Storhvit" par les premiers éclaireurs des forces d'exploration. Si l'Effort de Redécouverte a bénéficié en Caer Oorun de courants de Tumulte cléments, ce n'est nullement le cas en dehors des frontières de la Province réhabilitée. L'avancée est ardue, la progression lente et laborieuse. La fatigue se fait clairement sentir dans les rangs des Exalts. Cependant, les effets mutagènes du Tumulte semblent être atténués par la persistance d'une idée forte à proximité de la zone explorée : l'idée du froid, de la glace, de l'hiver. Cette dernière semble émaner d'un pic montagneux qui, de jour comme de nuit, luit d'une lumière bleutée et intense. Malheureusement, cette bénédiction de façade se double de conditions météorologiques exécrables : la neige, le gel, le froid mordant, le manque de visibilité... Les Exalts sont confrontés à de nombreuses difficultés, et ces embûches répétées ont un impact significatif sur leur moral. L'objectif que nous nous sommes fixé est de rallier au plus vite la montagne, que nous avons appelée Cais Adarra. Même si le froid y sera probablement plus cinglant, l'éminence constituera un abri certain contre les singularités de Tumulte qui sévissent en contrebas.

Cais Adarra

La montagne que nous avons baptisée Cais Adarra trône majestueusement au-dessus de toute la région. Elle est visible en permanence, qu'importe le lieu où nous nous trouvons, pour peu que le ciel soit suffisamment dégagé. Nos météorologues ont constaté que les vents de Tumulte étaient repoussés par le pic rocheux, ce qui indique que la montagne est probablement une Oasis, ou au moins une poche de stabilité. Ses contreforts acérés et recouverts de neige s'élancent vers le ciel comme une épine plantée dans l'azur. Pour autant, elle semble fendue de la base jusqu'au sommet, comme si un gigantesque coup de hache l'avait tranchée de haut en bas. De ce rift émane en permanence une lumière bleutée, qui éclaire tous les panoramas alentour. D'après la Guilde des Prospecteurs, cette lueur pourrait indiquer la présence du plus important gisement de Kélon découvert à ce jour. Un autre indice pointe en direction d'une Oasis bâtie autour de l'idée du froid : la présence autour du Cais Adarra d'un glacier en forme de disque, centré sur la montagne. Les zones environnantes sont bien entendu affectées par la proximité géographique de ce repère, mais la démarcation est tellement nette qu'elle laisse peu de place au doute.

Régions du Storhvit

Les Exalts ont répertorié six environnements au sein des immensités enneigées. Le Storhvit est en permanence soumis à un hiver rugueux, et nos experts suspectent que l'idée même de l'hiver y est profondément ancrée. La météo y est très changeante, probablement à cause du Tumulte qui souffle en ce lieu et génère incessamment des vents capricieux. Même si les températures et les conditions climatiques semblent favorables au matin, elles peuvent chuter ou se dégrader en seulement quelques heures. Néanmoins, l'avant-garde tient bon malgré l'adversité. Durant leurs permissions, nombre d'entre eux écoutent les érudits Ordis ou les skalds Lyra. Ils consultent aussi les ouvrages que nous avons rapportés de la capitale. Le conseil leur a été donné de diversifier la panoplie d'Eidolons qu'ils peuvent invoquer, pour alléger le fardeau que constitue le froid endémique de la région. Jack Frost, la Reine des Neiges, Skadi... L'idée est de découvrir ou redécouvrir des Eidolons auxquels ils ne font que peu appel, et de les réapprivoiser dans cet environnement où ils seront bien plus utiles.

Nous avons aussi, en concertation avec les chefs d'équipées des Corps expéditionnaires, pris une décision radicale. Lorsque les courants de Tumulte seront suffisamment apaisés, nous utiliserons l'Ouroboros pour débarquer des contingents d'explorateurs afin qu'ils assistent les Exalts. Ces derniers, ainsi que certains Altérateurs, protégeront ces troupes du Tumulte et, en retour, ces aventuriers feront en sorte de soulager l'avant-garde du froid, et de leur fournir une assistance directe durant leur périple. En attendant, l'Axiom a déployé des sondes pour nous permettre d'avoir un aperçu des terrains que nous devrons parcourir.

Toundra

Au sein de ces plaines enneigées à perte de vue, de gigantesques massifs coralliens jaillissent du sol pour constituer de nombreux promontoires rocheux. Tout comme les Hauts de Makonis, ce lieu semble avoir été parasité par des motifs issus des fonds marins, mais qui se sont adaptés à un environnement terrestre. Il n'est pas absurde de considérer que la même vague de concepts ait à la fois teinté ce lieu et les hauteurs de la presqu'île d'Enosha. Tout comme en Caer Alcada, le terrain bariolé rappelle un récif : des stries colorées zèbrent le sol, et une mer d'herbes bleutées s'y déploie comme des algues, recouvertes de dépôts de neige.

Taïga

Cette forêt boréale est d'une beauté irréelle et moirée : gigantesques conifères et bosquets de bouleaux oniriques, formations cristallines, frênes et chênes au feuillage rose à la texture proche du quartz... L'air lui-même semble y être rosâtre, comme si le lieu était baigné d'une clarté crépusculaire à toute heure de la journée. Et lorsque la brume se lève sur ces bois en permanence tapissés de lourds monticules de poudreuse, cette dernière est irisée tel l'émail. La faune elle-même arbore des pelages et plumages d'albâtre, comme elle s'était adaptée pour se camoufler dans ces environnements lactescents.

Lac gelé

Le lac ressemble à une gigantesque banquise où existent des bulles et anfractuosités remplies d'eau liquide. Cette formation circulaire, centrée sur le Cais Adarra, craque et gémit en permanence, comme si des plaques s'entrechoquaient sous la surface. Ce glacier constitue une sorte de lac surélevé, souvent recouvert de buttes de cristaux de neige. Y évoluer est laborieux, car la présence de zones où la glace est plus fine et fragile nous oblige à nous mouvoir avec précaution. Néanmoins, ces bulles sous-marines sont d'impressionnants écosystèmes, où nagent des myriades de formes de vie bioluminescentes, certaines petites : raies, hippocampes, méduses, crevettes, plancton... et d'autres bien plus massives : narvals, otaries et orques...

Canyon

Un passage étroit serpente à travers le glacier, scindant le lac en deux. Dans ce canyon noyé dans les ténèbres, on peut entendre le grondement de la glace se réverbérer entre les parois verticales. Ces dernières sont tellement hautes que le ciel n'est plus qu'une simple fissure au-dessus de nos têtes. Si le sol du défilé est en majorité constitué de pierre et de neige, certains endroits sont au contraire totalement immergés, et nécessitent l'utilisation de voiliers et de barges pour les traverser. Il n'est pas rare non plus de voir en travers du chemin des geysers glacés jaillir des parois, comme des ailes gelées qui bloquent le passage et obligent les contingents à les creuser. Mais le plus impressionnant est d'apercevoir la silhouette de gigantesques monstres aquatiques, qui nagent de l'autre côté de la muraille de glace comme s'il s'agissait d'un aquarium.

Cavernes

Le biome le plus envoûtant dont nous avons pu commencer l'exploration se trouve loin sous terre. Le glacier et la base de la montagne disposent de tout un réseau souterrain, un labyrinthe de cristal où stalactites et stalagmites sont parcourues de lueurs phosphorescentes et pastel. Le relief karstique présente de nombreuses concrétions et formations rocheuses : colonnes, piliers, fistuleuses, gours et draperies. Le tout ressemble à s'y méprendre, sur les premiers clichés récupérés, à une forêt illuminée et pastorale, plongée dans une nuit sans fin. En définitive, l'ensemble est un paysage protéiforme, à la topographie organique, qui a été façonné par des siècles d'érosion.

Éperon

Dernière étape avant d'atteindre le sommet, l'Éperon est un flanc escarpé du Cais Adarra. Il est composé de lapiez acérés, de parois abruptes et d'à-pics surplombant de profondes crevasses. Le dénivelé est tel qu'il est difficile — voire impossible — d'y déployer des véhicules motorisés. À plusieurs endroits, d'étranges boursouflures de glace émergent des pentes rocheuses en larges amas de couleur bleu topaze, façonnant des paysages ruiniformes à demi-translucides. Pour une raison étrange, la glace semble illuminée de l'intérieur, comme si des aurores boréales avaient été capturées en son sein.

Le Spectre des Neiges

Les premiers explorateurs à avoir foulé le sol du Storhvit ont rapporté un fait étrange : une voix désincarnée se réverbère dans les steppes glacées, ou au creux des vallons tortueux. Parfois, ce ne serait qu'un simple murmure, ou un rugissement de rage capable de faire trembler le sol. À d'autres moments, ce serait une présence éthérée, presque physique, capable de provoquer des glissements de terrain ou de fendre la surface des glaciers. Personne ne sait d'où provient cette voix. Pourtant, d'aucuns commencent à l'appeler le Spectre ou l'Esprit des Neiges. Pour autant, cette entité — s'il s'agit effectivement d'une conscience — ne semble pas hostile, bien au contraire. En quelques occasions, elle aurait aidé les contingents d'aventuriers à progresser au sein des étendues hivernales, faisant s'ébouler des rochers pour créer un passage, ou bien se refermer des fissures dans la glace. Comme si elle souhaitait être retrouvée.

Journal de bord de Temera Singh,
Grande Amirale des Corps expéditionnaires
393 AC, 15 janvier