Ceux que nous nommons les "Ombres Blanches" s'en prennent désormais à nos convois. La première agression a été répertoriée par un groupe de chasse, parti traquer du gibier au sein de la toundra. Les Belisenki sont apparus sans crier gare, forçant les trappeurs à battre en retraite en abandonnant vivres et matériel. Depuis, les incidents se multiplient, ainsi que les dégradations sur nos véhicules et installations. Nous ne savons pas ce qui a causé cette soudaine animosité, mais ce que nous pouvons dire, c'est que leur tactique — pour peu que nous puissions parler de méthode militaire — s'apparente à des techniques de guérilla : embuscades, sabotage, politique de harassement... La résistance de l'environnement se double désormais de la crainte d'une attaque. Les Belisenki usent à merveille de leur duvet blanc pour se camoufler sur les parois enneigées ou les arbres.

En usant du Skein, les Muna ont tenté de parlementer avec les Belisenki, mais toute ambassade s'est soldée pour l'instant par un échec. C'est comme s'ils protégeaient la montagne, empêchant quiconque d'en approcher. S'ils sont encore peu présents au sein de la toundra ou de la taïga, plus les Corps se rapprochent du Cais Adarra, plus leur dangerosité et leur virulence se font sentir. Dans d'autres circonstances, nous pourrions rebrousser chemin et les laisser en paix, mais les augures Yzmir ressentent la venue d'une puissante vague de Tumulte. Nous devons trouver un abri où nous réfugier, et n'avons d'autre choix que de presser le pas et de tenter de gagner la sécurité de l'Oasis. Si seulement nous pouvions leur faire comprendre que nos intentions ne sont pas hostiles...

Les zoologistes Axiom ont pu étudier la dépouille d'un Belasenka. Leur proximité avec l'ordre des lépidoptères est flagrante, même si leur taille dépasse de loin celle d'un simple papillon de nuit. Pouvant atteindre environ cent cinquante centimètres, pour une envergure de trois ou quatre mètres, ils sont loin d'être inoffensifs. Un corps duveteux qui constitue presque une fourrure ; deux paires d'ailes dont les motifs imitent ceux de la pierre et de la neige ; des antennes en plumeau qui peuvent nous repérer même à des kilomètres... Les Belisenki adoptent également une structure eusociale, comme les termites, ou les abeilles. Nous avons pu voir des Belisenki agir comme des soldats, d'autres comme des médecins militaires, usant de leur salive comme d'un antiseptique pour soigner les blessures de leurs congénères.

Nous ne savons pas où se trouve la colonie principale des Belisenki, mais nous suspectons qu'elle prend racine dans le cœur même de la montagne. Si nos théories s'avèrent exactes, l'espèce devrait être divisée en castes. Certains individus pourraient ainsi s'occuper de collecter de la nourriture ; d'autres de s'occuper de leurs œufs, si tel est leur mode de reproduction. Nous ne savons pas non plus s'ils ont une reine. Ce qui est sûr, c'est que leur mode de pensée est similaire à de l'intelligence en essaim. Les Ordis se demandent si en faisant appel à leur Coalescence, ils pourraient lier leurs esprits à celui des Belisenki, et ainsi converser avec eux, ou au moins les comprendre. Toutefois, la hiérarchie Ordis répugne à accueillir une psyché étrangère au sein de leur Gestalt — aversion prudente et compréhensible.

Le plus déstabilisant reste leur capacité à faire appel à de l'Altération mineure, qu'ils manient avec force, manifestant neige, glace et autres phénomènes climatiques liés à la notion de froid. Heureusement, ils ne font appel à ce talent qu'en dernier recours, car cette faculté semble liée à leur énergie vitale. Certains témoins affirment qu'un Recycleur Axiom a été entièrement emprisonné dans une gangue de glace après l'intervention d'une nuée de Belisenki. D'attaques sporadiques, nous sommes passés depuis quelques semaines à des échauffourées journalières. Et je crains que ces dernières n'aient de cesse de se faire plus fréquentes.