Lorsqu'ils contemplent le monde, les Lyra comprennent à quel point il n'est qu'expression. Chaque être vivant, chaque chose exhale rien qu'en existant une cohorte d'idées et d'émotions, telles des fragrances, telles des explosions sensorielles qui se doivent d'être ressenties pour être comprises et appréciées à leur juste valeur... Les Altérateurs Lyra se réjouissent d'arpenter un tel cosme, aussi vibrant qu'intense ; de se laisser transpercer par sa beauté, aussi émouvante qu'impitoyable. Comme tout être vivant, l'être humain est forgé par ses sens et façonné par ce qu'il perçoit de son environnement. Les Lyra font de la sensation la pierre angulaire de leurs valeurs, la clé de voûte de leur réalité. C'est pourquoi le présent et l'instant sont si chers à leurs yeux.

La sensibilité exacerbée des Lyra fait qu'ils emmagasinent comme des éponges les impressions que leur transmet leur environnement. Toute l'exaltation qu'ils ressentent croît en eux et les met en mouvement. Comme un instinct qui les contraint à crier leur propre existence au sein de toute cette clameur, ils s'expriment à leur tour dans un torrent passionné, entrant en transe et en résonance avec l'univers. Si certains virevoltent au gré de danses fiévreuses ou hypnotiques, d'autres font retentir leur voix, qu'elle soit tonnante ou cristalline. D'autres encore se laissent aller à des déclamations pleines de verve, capables de toucher leur auditoire en plein cœur, ou peignent le monde comme un artiste transforme une toile vierge en œuvre d'art. Pour les Altérateurs Lyra, la réalité-même est une scène ou un canevas à emplir de leur énergie, de leurs sentiments, qu'ils soient euphorie ou chagrin, surprise ou sérénité. Mais même si leur proximité avec les domaines artistiques est indéniable, les Lyra ne se restreignent pas seulement à leur pratique. Ce sont aussi d'excellents communicants, des pédagogues de talent, d'adroits artisans et des architectes inspirés.

Comme un vase qui se remplit, un Altérateur Lyra se doit de déborder, de faire jaillir son feu créateur sous peine d'être consumé par lui. Après s'être ainsi déversé, il se sent fébrile et comme vidé de sa substance, mais de nouveau en état de recevoir du monde ses incroyables présents. Pour autant, il sait que ce processus est nécessaire, car il est le creuset de sa propre transfiguration. Pour les Lyra, il est important de se laisser toucher, de se laisser changer par les expériences qu'ils vivent. Cette transformation est le reflet du véritable sens qu'ils donnent à la vie : l'interaction d'un individu avec le monde dans lequel il évolue. Cette influence réciproque est le noyau de leur philosophie et dialectique : transformer, et être transformé en retour.

Les Lyra sont les derniers héritiers des Nomades du Tumulte, les premiers êtres humains à avoir été capables de lire dans les courants du Tumulte avant que ses vents ne déferlent sur le monde. Ils continuent de perpétuer leur mode de vie nomade : organisés pour la plupart en caravanes itinérantes, bien que certains préfèrent le confort de la solitude, les Lyra arpentent la péninsule, ne s'arrêtant qu'en de brèves occasions. Sans cesse en mouvement, ils se nourrissent d'expériences, de rencontres, et de tout ce qu'elles déclenchent en eux. Ils n'ont pas d'itinéraire en tête, et se laissent guider par leur humeur ou par les opportunités qui ne manquent pas de s'offrir à eux. Il est d'ailleurs fréquent qu'un Lyra quitte sa caravane pour y revenir plus tard, le temps de s'imprégner d'un lieu ou d'un groupe de personnes.

Chaque cortège Lyra, du plus modeste au plus imposant, fait forcément partie d'une Sarabande, un regroupement de caravanes qui partagent une même ascendance et un socle de coutumes communes. Ces Sarabandes, au nombre de neuf, sont chacune placées sous l'égide d'une Matriarche, une doyenne qui veille au respect des traditions et à la mémoire de la Faction. Ces Matriarches constituent l'autorité suprême chez les Lyra, car elles représentent chacune une interlocutrice exclusive pour les Neufs Sœurs, les Eidolons qui leur servent de patronnes tutélaires. Pour autant, elles usent rarement de cette prééminence, se contentant plutôt de veiller sur leur procession comme un berger sur son troupeau.

En raison de leur existence nomade, les Lyra n'ont pas de Bastion à proprement parler. Cependant, les plus importantes caravanes Lyra, et en premier lieu celles qui accueillent les Matriarches, s'articulent autour d'une Sahanka. La Sahanka peut être une bâtisse, un palais ou même une petite ville, qui marche ou avance au même rythme que les processions. Ces énormes constructions ne sont nullement des prouesses technologiques comme pourraient en bâtir les Axiom, mais des lieux qui ont pris vie grâce à l'Altération. Telles de gargantuesques bêtes de somme faites de métal, de verre, de poutrelles, de briques ou de pierre, les Sahanka transportent des habitations qui peuvent servir de refuge, contre les éléments, mais aussi contre le Tumulte. Chaque Sahanka est unique, ayant été modelée au gré des sensibilités des Altérateurs qui ont participé à sa réalisation. Spires élancées faites d'aérolithe, plates-formes surélevées munies de pattes... leurs formes sont des plus diverses. Elles peuvent aussi accueillir des peuples autochtones pour des représentations au sein des halls et amphithéâtres qui y sont incorporés. Quand les Lyra s'arrêtent quelque part, il n'est pas rare de voir d'innombrables tentes et pavillons s'ériger tout autour, façonnant une ville éphémère qui prendra vie le temps de leur séjour.

Une fois par cycle, les Lyra perçoivent un appel mystique vers un lieu toujours changeant. Ceux qui décident d'y répondre se réunissent alors au sein d'un caravansérail pour célébrer le Kalann Mae, un festival consacré à l'Art sous toutes ses formes. Troubadours et contorsionnistes, sculpteurs et peintres rivalisent de talent, s'enivrent jusqu'à la fièvre pour laisser cours à une création débridée. Toute l'énergie amassée façonne le lieu de l'appel, et au terme des festivités, comme en apothéose, une Merveille y bourgeonne, grandiose et somptueuse. La Merveille en question est alors abandonnée, ou confiée aux populations locales, et les Lyra se remettent en route vers de nouveaux horizons. La cascade inversée de Cuyvar, l'Oliveraie de Sartonis, la Maison d'Albâtre de Ser-Karran ou le Centaure de Valtrecht font partie de ces lieux ou monuments enchanteurs, chefs-d'œuvre éternels commémorant un instant éphémère et glorieux.

Il y a des éons de cela, avant même la naissance de la civilisation asgarthi, les Nomades du Tumulte arpentaient le monde. Ils étaient divisés en huit Tribus, chacune originaire d'une région distincte du monde. Si elles reçurent toutes un appel mystique pour converger vers un même lieu, seules sept arrivèrent à bon port. La huitième fut perdue corps et âmes, ce qui lui valut le nom de Tribu Perdue. Mais avant même la fondation d'Asgartha, une autre Tribu décida de ne pas rester sur la péninsule, et de continuer à mener une existence itinérante. Cette dernière fut nommée la Tribu des Exilés. Les Lyra souhaitent savoir ce qui est arrivé à ces deux Tribus. Ont-elles survécu ? Sinon, que leur est-il arrivé ? L'Effort de Redécouverte est l'occasion pour eux de le découvrir.

Le don d'Altération des Lyra, l'Ignescence, est un feu intérieur qui brûle avec une incroyable intensité. Née de l'inspiration la plus pure, cette flamme qui les habite et qui prend racine au plus profond de leur âme est comme une étincelle de Tumulte qui ne cesse de grandir tout au long de leur vie. C'est par son biais que les Lyra parviennent à accomplir mille prouesses. Exprimer ce feu intérieur est donc naturel pour eux, car il fait partie intégrante de leur être. Mais c'est aussi une question de survie. S'ils ne peuvent l'évacuer à travers leur Altération, leur chair commence à se calciner, leur peau à s'effriter en pâles cendres... comme s'il se mettait à les consumer lentement. À l'inverse, trop déverser leur feu peut les laisser vides et exsangues, en proie à la léthargie et à la dépression. Mais cette condition n'effraie en rien les membres de cette Faction. Elle fait partie de leur identité, comme la mort fait partie de la vie. Il existe aussi une légende tenace, celle des Paramours : des âmes sœurs capables, par leur seule présence, de neutraliser les effets néfastes de l'Ignescence en absorbant une part de ce feu intérieur, ou de le nourrir en retour. C'est pourquoi de nombreux Lyra se mettent en quête de leur seconde moitié, afin que leurs capacités créatrices puissent s'exprimer pleinement, sans aucune restriction.