Chroniqueuse Lyra

Eidolon ou humain, nous sommes tous façonnés par les histoires. Ce sont elles qui font de nous qui nous sommes.

Histoire

Je la vois poser ses mains sur la fresque, oublieuse de notre présence. Il y a un amour inconditionnel dans ses yeux, alors que les peintures et les bas-reliefs se reflètent dans ses pupilles et dans le creuset de son esprit. D'un simple toucher, d'un simple effleurement, elle appelle les idées contenues dans les dessins, leur permet de s'exprimer. L'Altératrice contemple les scènes qui se jouent devant ses yeux en brumes évanescentes, et essaie de déchiffrer ce qu'elles racontent. Je souris, satisfait de son travail. Comme toujours, Somayeh excelle dans l'art d'extraire une histoire de ce qui est tapi dans la pierre. Congédiant les saynètes de son petit théâtre fantôme, elle s'assied quelques instants, pour compiler dans son esprit ce qu'elle vient de voir. Elle agence, organise, structure la narration de l'histoire à laquelle elle vient d'assister.

Puis elle allume un feu, autant pour bannir le froid et l'obscurité de la nuit en train de tomber, que pour nous donner un cadre propice au récit. Comme nous, c'est une collectionneuse. Comme nous, c'est une conteuse. Alors nous prenons place, et nous écoutons. En fixant les flammes qui dansent, nous faisons de la place sur les étagères de notre psyché pour accueillir ce nouveau conte. L'histoire de Naem, une protégée de Terpsichore, qui dansa pour les pontes et les rois. Mais quand elle tomba amoureuse, elle préféra partir avec son aimé plutôt que de devenir Matriarche. Et pour cela, elle fut répudiée. Mais ce ne fut pas la fin du courroux. Fuyant les Muses, tiraillée par la faim, elle se réfugia dans un verger. Là, elle déroba des fruits pour nourrir son amant, et apaiser aussi son ventre affamé. Tous deux croquèrent dans les fruits, sans savoir qu'ils avaient été marqués de l'empreinte de Polymnie. À jamais, il leur fut impossible d'exprimer l'amour qu'ils ressentaient l'un pour l'autre... Au terme du récit, j'ouvre les yeux pour constater que les flammes sont devenues de simples braises. Une larme se permet de couler sur ma joue.

Narré par

???

Date

361 AC