Le Nilam, Arbre-Monde Flétri

Non, ce ne sont pas des branches de saule soulevées par les vents, ni même des nuages s'agitant en guise de frondaison... Ce sont des grappes de milliers, non, de millions de phalènes qui dérivent dans l'air comme les tentacules d'une méduse échouée. Il y a là l'illusion de la vie, un simulacre, rien de plus. Car l'arbre-monde qui me fait face est bel et bien mort. Enchâssé entre les éperons jumeaux du Cais Adarra, le vénérable colosse semble prostré comme un vieil homme. La vie l'a quitté, et il n'est plus que l'ombre de lui-même, une carcasse qui peu à peu va s'étioler. Son tronc n'est d'ailleurs plus fait de bois, mais de cristal. Si toutes les phalènes s'envolaient en cet instant, il ne resterait qu'un vieil arbre recourbé, décharné et malingre. Un fantôme sénescent, promis à l'oubli. Au final, tout ici n'est qu'illusion...

Je force Lindiwe à lever les yeux, et elle regarde l'obscurité qui est tapie entre les deux sommets. La nuit qui recouvre la gorge est parsemée de flocons de neige, qui dérivent dans l'air comme des étoiles ondoyantes. Selon mes instructions, mon hôtesse prend une gorgée de Lait d'Arcolano et scrute de ses Iris la dépouille de l'arbre-monde. Son écorce, translucide, semble avoir été scarifiée, comme si elle arborait des morsures, d'innombrables marques de ponction. Je comprends alors qu'il a été vampirisé en maintes occasions. L'œuvre des phalènes ? Mais plus que ça, il semble contenir quelque chose. Un ver dans la pomme, un parasite. Lindiwe étrécit les yeux pour me permettre de mieux distinguer ce qui couve sous sa surface. Quelque chose qui n'est définitivement pas à sa place... Comme un serpent qui glisse le long de ses branches, de ses racines. Quelque chose qui y est définitivement bien à l'étroit...

MAW

393 AC