Lac Saisi par les Glaces

La progression est lente malgré tout notre équipement. Nous sommes en file indienne, écartés chacun d'une dizaine de mètres pour respecter les distances de sécurité réglementaires. Les hommes sont nerveux, et cela se comprend aisément. Nous avançons sur un lac gelé dont la surface d'un turquoise pâle permet de discerner une activité bioluminescente dans ses profondeurs. Quelles formes de vie se cachent donc là-dessous ? Je m'arrêterais bien un moment pour observer un peu plus les nuées colorées qui dérivent sous nos pieds, mais la fébrilité de mes troupes me laisse à penser qu'il vaut mieux ne pas traîner. D'autant que la distance pour rejoindre la berge est assez décourageante. Nous ne l'atteindrons probablement qu'à la nuit tombée, et pas question pour nous de bivouaquer sur la glace. Je ne peux toutefois pas détacher mes yeux de ce qui se passe en dessous, ce qui me vaut un léger vertige. La transparence de la glace nous donne l'impression de marcher dans le vide. Et dans l'obscurité insondable, il me semble voir de massives silhouettes glisser, comme des ombres en clair-obscur.

Des cris résonnent à l'avant ! Je lève la tête et vois que les éclaireurs s'agitent. Je n'arrive pas à discerner ce qu'ils font ni ce qu'ils disent. Au diable la prudence, il faut savoir prendre des risques. Je cours vers eux, remontant la colonne, croisant un à un mes hommes qui me dévisagent, à la recherche d'une réponse à leur question muette : Que se passe-t-il ? Sommes-nous en danger ? Je ne prends pas le temps de les rassurer. Nina m'a emboîté le pas. Et je réalise que la lumière remonte vers la surface, serpente sous la glace, devenant de plus en plus grosse sous nos pieds. Est-ce l'activité d'une ou de plusieurs créatures ? L'avant-garde que je tente de rejoindre se disperse en fuyant dans toutes les directions. Je comprends que la glace est en train de se fissurer sous la pression d'une bête abyssale. Et la surface explose !

SIGISMAR

393 AC