Seiringar de Havre

Ceux qui ont beaucoup vécu ont beaucoup à transmettre.

Histoire


Je me souviens de Shahram, de sa voix explosive. Le vieux briscard s'était assis à côté de moi. Il avait posé une main calleuse sur mon épaule alors que j'étais en train de grelotter de froid, et de peur, dans l'habitacle de l'airship. Il s'était permis de plaisanter, de me raconter des blagues grivoises... et de me congratuler d'avoir tenu bon jusqu'à l'arrivée des secours, d'avoir survécu. Ce n'était pas ce que je voulais entendre, à l'époque. Ça m'avait noué le ventre. Il s'en était aperçu, bien sûr. Abandonnant un instant son air de coq, il m'avait enlacé, et dit — maladroitement, bien sûr — que ce n'était pas ma faute, que je n'avais pas à culpabiliser. L'intention était là. Et bizarrement, des décennies plus tard, c'est à lui que je me mets à repenser. En observant les troupes autour du feu, en train de se coller les unes aux autres pour tenter de se tenir chaud, je me dis qu'elles auraient bien besoin de ses fanfaronnades.

Instinctivement, son Eidolon est là parmi nous, en train de rire de nous voir si maussades. Il toise l'assistance, bombe le torse, assène de violentes tapes dans le dos des aventuriers prostrés. Il se met à raconter qu'en son temps, jamais aucun Bravos ne se serait laissé aller au désespoir. Les grommellements l'incitent à raconter ses inénarrables exploits, qu'il a soigneusement fait tatouer sur son biceps protubérant. Avec soin et emphase, il raconte la prise de Vedren, la déconfiture de Mezzaren... Si certains Bravos secouent la tête, d'autres écoutent, fascinés, les histoires de leur aîné, chargées de crânerie et d'exagérations. Mais alors que les protestations fusent, je me dis qu'il a atteint son objectif, ce vieux Seiringar. En échauffant les esprits, il réchauffe les corps, et ça aidera à endurer le froid... La dernière fois que je l'avais vu, il y a presque une décennie de ça, j'avais senti que ne pas avoir été choisi pour faire partie des Corps lui avait miné le moral. Le fait qu'il soit là en fin de compte, à travers moi, était peut-être l'hommage que je voulais lui rendre...

Narré par


BASIRA

Date


393 AC